France – Italie : l’heure de la bascule
France – Italie en quart de finale, cela ne vous rappelle rien ? Oui, la Coupe du Monde 1998 bien sûr, mais parlons ici de basket… Il y a exactement 407 jours, à Saitama, les Bleus et la Squadra Azzurra s’affrontaient au même stade de la compétition lors des Jeux Olympiques. Et la victoire tricolore (84-75) avait alors été incroyablement compliquée à décrocher, avec encore une égalité à deux minutes du buzzer final (73-73). Mais depuis, le contexte bleu n’a plus grand chose à voir. À l’époque, dans la foulée d’un gros coup contre Team USA, l’équipe de France s’avançait pleine de certitudes, munie de tous ses meilleurs éléments. En revanche, du côté transalpin, prenez les mêmes (sauf le coach Meo Sacchetti) et on recommence… Après son exploit contre la… Serbie en finale du TQO à Belgrade, l’Italie était déjà contente d’être là. « Je ne sais pas si nous sommes une meilleure équipe », hésite Giampaolo Ricci. « On a certes perdu Danilo Gallinari mais on a récupéré Luigi Datome. Neuf joueurs étaient déjà présents l’an dernier à Tokyo. »
De fait, comme l’an dernier, l’été italien est presque déjà réussi. Après le triomphe contre la Serbie, le coach Gianmarco Pozzecco avait le palpitant à 10 000, comme s’il venait de placer son pays sur le toit du basket continental. « C’est le plus grand match de notre histoire, devant la demi-finale olympique de 2004 », exultait-il. Ainsi, alors que les Serbes quittaient Berlin sur les coups de 6 heures du matin, ses joueurs ont fêté la victoire comme un titre, équipé de la carte de crédit de leur entraîneur. Bilan des courses : 700 euros, pour un repas d’équipe au restaurant. « Ma femme ne m’a pas appelé donc ça va, ils n’ont pas trop dépensé », riait le Poz mardi midi, heureux d’avoir évité l’incident diplomatique avec son groupe. « J’avais déjà donné ma carte bleue à Sassari. J’ai reçu un appel de Marco Spissu à 3h du matin mais je n’ai pas répondu. Il s’avère qu’ils étaient furieux contre moi car j’avais donné le mauvais code. Et là, Marco a appelé mon adjoint : « Ce con s’est encore trompé dans son code ! » »
Le spectre de l’Argentine…
Ainsi, face à la France, l’Italie n’aura absolument rien à perdre. Ce qui rend la tâche tricolore particulièrement délicate tant il peut être dangereux d’affronter une équipe libérée. Une situation qui a déjà réussi aux Transalpins 72 heures auparavant, comme le reconnait Guerschon Yabusele. « Ils ont la tête dans les nuages et ils sont super confiants. On essayera de ne pas faire la même erreur que les Serbes, on les respecte beaucoup. » Et surtout, les Bleus les connaissent par cœur. Les deux équipes se sont affrontées à deux reprises en préparation, d’abord lors d’un affrontement accroché à Bologne le 12 août (78-77, après prolongation) avant une démonstration des ouailles de Vincent Collet quatre jours après à Montpellier (100-68). Une lourde claque qui n’ébranle pas la confiance italienne au moment de recroiser la route de leurs bourreaux estivaux. « Après le match que l’on vient de faire, je doute que la France ait très envie de nous affronter », lance Giampaolo Ricci. Et pour cause, la Squadra Azzurra n’a plus grand chose à voir avec l’équipe chancelante aperçue dans l’Hérault. « Ce qui a changé depuis août ? À l’époque, on en avait une paire comme ça », sourit Gianmarco Pozzecco, montrant son entrejambe, avec une faible amplitude. « Et maintenant, on en a une paire comme ça », ajouta-t-il, en triplant la largeur, avant de répondre plus sérieusement à la question. « Si les choses ne se déroulent pas comme prévues, cette génération souffre beaucoup plus que la mienne. Quand on a commencé la préparation, il y avait tellement de concentration et d’envie de bien faire que je me suis dit que ça allait être un désastre si l’on était mauvais. Or, nous avons été mauvais contre l’Ukraine (73-84 le 5 septembre) avant d’avoir une réaction incroyable contre la Croatie (81-76 le lendemain). »
Dans le discours, au moins, les Français sont conscients que l’après-midi berlinoise n’aura rien à voir avec les soirées d’août. Au cours des conférences de presse qui se sont succédées ces derniers jours dans leur hôtel berlinois, les Bleus ont répété à quel point ils se méfiaient de l’Italie. Extraits choisis : « On sait bien que ce ne sont plus les mêmes qu’en prépa », Terry Tarpey / « Ils font partie des bonnes équipes de cet Euro », Guerschon Yabusele / « Ils ont un style unique », Rudy Gobert. C’est justement là que l’expérience accumulée au fil des années pourrait servir. En 2019, les coéquipiers d’Evan Fournier s’étaient retrouvés dans la même position pour la demi-finale de la Coupe du Monde, tout heureux d’affronter l’Argentine plutôt que la… Serbie, une Albiceleste maltraitée plus tôt à Villeurbanne (58-77). Pour, au final, une véritable correction reçue des mains de Luis Scola et compagnie (66-80). « Quand on bat une équipe trois fois en un an, on peut inconsciemment se dire que tous les matchs seront les mêmes », admet Rudy Gobert. « On l’a déjà appris à nos dépends avec l’Argentine. »
Invaincus depuis Thomas Dubiez…
Un sentiment de supériorité qu’il faudra absolument éviter ce mercredi soir, surtout que les Bleus n’ont plus perdu face à l’Italie depuis quatorze ans. Une série d’invincibilité qui s’étend sur dix rencontres, jusqu’à un amical un soir d’août 2008 à Bormio (65-68) où c’est Thomas Dubiez qui avait terminé meilleur marqueur de l’équipe de France version Michel Gomez. D’autant plus face à des Azzurri dotés d’un petit quelque chose en plus, entraperçu dimanche après l’expulsion de Pozzecco. « On a une vraie équipe et une grande âme », clamait ainsi Giampaolo Ricci. Limiter le nombre de balles perdues serait déjà un bon moyen de réduire la part d’irrationnel inhérente à l’Italie, incarnée par leur adresse longue distance (16/38 contre la Serbie) et par l’émergence d’un facteur X, Marco Spissu, 22 points au total lors du 1/8e de finale, contre 19 au total sur l’ensemble du premier tour. « Leur sublimation est un des éléments du rapport de force », pointe Vincent Collet. « Étant donné que leur jeu est beaucoup basé sur le tir, la confiance a une énorme importance. »
Comme en 2021 où Rudy Gobert avait régné sur les débats dans la raquette (22 points à 10/13 et 9 rebonds), l’équipe de France sait où insister. À ce niveau de compétition, elle dispose d’un avantage énorme en terme de taille, avec trois joueurs à plus de 2,10 m, quand le plus grand Italien mesure 2,08 m et ne joue pratiquement pas (10 minutes au total sur l’EuroBasket pour Amadeo Tessitori). « C’est clairement un match où je vais essayer de dominer », s’encourage le géant picard. Défensivement, il pourrait être gêné par les pivots italiens, plus petits, plus rapides et qui le forceront à s’éloigner du cercle, mais les Bleus doivent être en mesure de survoler la batailler du rebond. Avec l’ambition d’être l’équipe qui imprimera sa marque. « On va jouer sur nos forces, eux sur les leurs et on verra bien ce que ça donnera », résume Moustapha Fall. « Quand il y a de tels écarts dans les match-up, une équipe devra imposer son style. » Surtout qu’un premier bilan de l’Euro sera au bout de ce quart de finale, traditionnellement le plus important dans une telle compétition. Une élimination, et la campagne allemande sera un échec. Une victoire, et les portes du rêve s’ouvriraient en grand. « Ce match est la bascule de notre tournoi », confirme Vincent Collet. Alors, allez-y messieurs…
À Berlin,
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